L'enfant d'un parent ingrat ne doit pas régler ses frais d'obsèques
Auteur : LE DROGO Céline
Publié le :
28/06/2021
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Dans un arrêt du 31 mars 2021 (20-14.107), la Cour de cassation a précisé qu’un enfant pouvait être déchargé de ses obligations envers son défunt père, et notamment celle de payer les frais funéraires, dès lors que ce dernier a eu, de son vivant, un comportement gravement fautif envers lui.
En l’espèce, le contexte est le suivant : au décès d’un homme, son frère mandate une entreprise de pompes funèbres pour organiser les funérailles mais ne règle pas la facture et se retrouve assigné en paiement par l’entreprise.
Afin d’échapper au paiement, le débiteur appelle en garantie son neveu, le fils du défunt, arguant :
1- Que celui-ci est tenu au paiement des frais funéraires quand bien même il aurait renoncé à la succession de son père, et ce en vertu des dispositions de l’article 806 du Code civil.
Pour rappel, l’article 806 du Code civil prévoit que « le renonçant n'est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l'ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce. »
Ce texte prévoit donc expressément qu’un héritier, même ayant renoncé à la succession, devra payer les frais funéraires du défunt.
2- Que l’obligation pour l’enfant de supporter les frais d’obsèques de son père existe aussi dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l’article 371 du Code civil qui impose à l’enfant, à tout âge, honneur et respect à ses père et mère.
La Cour de cassation avait d’ailleurs déjà précisé, au visa des articles 205 et 371 du Code civil que lorsque l’actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, l’enfant, tenu de l’obligation alimentaire à l’égard de ses ascendants, doit, même s’il a renoncé à leur succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources (Cass 1ère Civ. 14 mai 1992, n°90-18967).
En défense, le fils contestait son obligation au paiement, exposant que son père n’avait jamais cherché à rentrer en contact avec lui ou à lui donner de ses nouvelles, qu’il s’en est désintéressé et s’est abstenu de participer à son entretien et son éducation.
Le Tribunal de Châteauroux accueillait l’argumentation du fils au regard de l’exception d’indignité visé à l’article 207 du Code civil qui prévoit que « lorsque le créancier aura lui-même manqué à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ».
Un pourvoi est interjeté, l’oncle mettant en avant que « le fait que l’enfant n’ait pas connu son père n’exclut aucunement qu’il ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l’existence d’un lien affectif direct n’en constituant pas une condition ».
En 2009, la Cour de cassation avait en effet déjà précisé que l’obligation au paiement des frais funéraires perdurait même si l’enfant n’a[vait] pas connu son père - en l’espèce, pour être né peu après son décès - et a précisé que l’existence d’un lien affectif direct n’était pas une condition au respect de ce devoir (Cass. 1e civ. 28-1-2009 n° 07-14.272).
Dans son arrêt du 31 mars 2021, la Cour de cassation approuve les juges du fond qui ont considéré que le défunt avait commis, de son vivant, un comportement gravement fautif envers son fils en se désintéressant totalement de lui, ce qui en combinant les articles 205, 207, 371 et 806 du Code civil, justifie que le fils soit affranchi de son obligation alimentaire. Surtout, et c’est l’apport majeur de cet arrêt, la Cour de cassation précise les conséquences de cet affranchissement : l’enfant est déchargé de son obligation de paiement des frais d’obsèques. L’exception d’indignité permet donc d’échapper au paiement des frais funéraires, et ce même pour l’héritier tenu à l’obligation alimentaire et ayant renoncé à la succession du défunt.
Cet article n'engage que son auteur.
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