Un acte de la vie personnelle peut-il avoir une répercussion sur la vie professionnelle ?
Auteur : TRAPU Stéphanie
Publié le :
18/09/2019
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2019
Il est souvent recommandé de ne pas mélanger la vie professionnelle et la vie personnelle pour éviter toute source de conflits ou de difficultés. Parfois, cependant l’une retentit sur l’autre...
Peut-on considérer qu’un acte de la vie personnelle puisse avoir une répercussion sur la vie professionnelle ? La Cour de Cassation a pu se prononcer dans différents domaines à ce titre. Certaines Cour d’Appel également.
1. La jurisprudence concernant la délimitation entre la vie privée et la vie de l'entreprise :
Ainsi, un fait survenu dans la vie privée (suspension ou retrait du permis de conduire) a été considéré en 2011 (n°09-67464) comme ne constituant pas un motif justifiant un licenciement puisque les faits avaient été commis en dehors du travail et le permis n’était pas nécessaire à l’emploi.
A contrario des faits survenus lors d’un séjour d’agrément (menaces, insultes, comportements agressifs) dans le but de récompenser des salariés lauréats d’un « challenge » d’entreprise, ont été jugés en octobre 2014 (n°13 16793) se rattachant à la vie de l’entreprise et justifiaient donc un licenciement pour faute grave.
La jurisprudence opère à ce titre une appréciation du bien fondé du licenciement en fonction notamment de l’impact du fait commis dans la vie privée, sur la vie de l’entreprise.
Dans un autre domaine, la question de la distinction entre la vie privée et la vie de l’entreprise a fait couler beaucoup d’encre : c’est le domaine de l’utilisation abusive d’internet au travail.
Ainsi il ne saurait être contesté qu’un salarié est en droit d’utiliser internet au travail pour des besoins autres que professionnels. Pour autant cette utilisation doit être mesurée et il a pu être considéré qu’un usage intensif d’internet pour des connexions privées pouvait justifier un licenciement sous la condition que l’employeur soit en mesure de s’assurer que les utilisations litigieuses émanent d’un seul salarié (n° 16-23968).
En octobre 2018, la Cour de Cassation s’est de nouveau penchée sur les dérives de l’utilisation d’internet par un salarié « visitant » des sites pornographiques (n° 17-13089). Elle avait alors rendu une décision s’appuyant principalement sur l’utilisation excessive d’internet (800 connexions en un mois dont 200 en une semaine) pour justifier le licenciement et non seulement sur la répercussion que cet usage pouvait avoir sur l’entreprise.
La Cour d’appel de Bordeaux le 5 septembre 2019 ne s’est pas positionnée sur la question de l’usage excessif pour considérer qu’un comptable consultant des sites pornographiques sur son lieu de travail, sur son temps de travail, et alors que ces collègues en étaient témoins, pouvait faire l’objet d’un licenciement pour faute grave. Cette fois-ci c’est de nouveau le retentissement de la sphère privée sur la vie d’entreprise qui a servi d’appui à la juridiction pour se positionner comme tel. Cette décision confirme des décisions antérieures à ce titre datant notamment de 2012 (n°10-28585).
Tel est également le cas en matière de droit de la Sécurité Sociale s’agissant de la détermination entre accidents du travail et accidents de trajets par exemple (les deux étant pris en charge de manière identique par la Sécurité Sociale mais n’ayant pas la même incidence sur les cotisations de l’employeur).
Il est donc parfaitement clair que les sphères privés et personnelles peuvent avoir des incidences l’une sur l’autre y compris en matière de sexualité.
2. Un accident suite à une relation sexuelle peut ainsi être considéré comme un accident du travail :
C’est sur ce point que la Cour d’appel de PARIS le 27 mai 2019 s’est penchée sur la question de l’existence d’un accident du travail survenu à l’occasion d’un acte de la vie privée, une relation sexuelle adultérine. Elle a considéré que le décès d’un technicien de sécurité intervenu après une relation sexuelle constituait un accident du travail. En effet, il a été jugé que le salarié avait à ce titre opéré un acte de la vie courante et n’avait pas interrompu sa mission. Il était donc toujours sous la protection de l’employeur.
Une nouvelle fois la sphère privée, et plus encore la sphère liée à la sexualité d’un salarié, est considérée comme étant en lien avec la vie de l’entreprise.
Si l’on va plus loin, dans le raisonnement juridique précédemment exposé, peut-être peut-on penser que ce salarié aurait pu, s’il n’était décédé, faire l’objet d’une procédure de sanction disciplinaire…
De même, le jugement de la Cour d'appel pourrait bien être amené en cassation.
Cet article n'engage que son auteur.
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