Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail
Auteur : PASQUIER-TAVERNE Marie-Caroline
Publié le :
02/07/2013
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Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux QPC posées par deux détenus exerçant un emploi en prison, qui dénonçaient l'absence de contrat de travail permise par la première phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale.
Travail en prison et contrat de travailLe Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2013 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêts numéros 698 et 699 du 20 mars 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par deux détenus exerçant un emploi en prison, qui dénonçaient l'absence de contrat de travail permise par la première phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale savoir : « Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail ».
Au soutien de leur recours les requérants ont expliqué qu’ en excluant que les relations de travail des personnes incarcérées fassent l'objet d'un contrat de travail, sans organiser le cadre légal de ce travail, le législateur prive ces personnes de toutes les garanties légales d'exercice des droits et libertés reconnus par le Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'en outre, ces dispositions porteraient une atteinte manifeste au principe d'égalité et au respect dû à la dignité des personnes ;
Les requérants ont notamment soutenu :
- que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un droit inaliénable et sacré reconnu à tout être humain par ledit Préambule, et constitue un principe à valeur constitutionnelle ;
- que, d'autre part, l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ;
- qu'il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ;
Le Conseil Constitutionnel a retenu, d'une part, que les principales règles législatives relatives aux conditions de travail des personnes détenues figurent dans l'article 717-3 du code de procédure pénale :
- que le premier alinéa de cet article prévoit que les activités de travail ainsi que les activités de formation sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ;
- qu'en vertu de son deuxième alinéa, au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande ;
- que le troisième alinéa, outre qu'il prévoit que les relations de travail ne font pas l'objet d'un contrat de travail, précise qu'il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires ;
- que le quatrième alinéa prévoit que les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret et que le produit du travail des détenus ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire ;
- qu'en vertu du dernier alinéa, la rémunération des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance prévu par le code du travail, ce taux pouvant varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ;
Le Conseil des sages a considéré, d'autre part, qu'aux termes de l'article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ».
Retenant par ailleurs que l'article 33 de la même loi a institué un «acte d'engagement» entre le chef d'établissement et la personne détenue, qui doit prévoir description du poste, horaires, missions à réaliser et rémunération, les « sages » ont in fine renvoyé la balle dans le camp des parlementaires, s’il y a lieu de renforcer la protection des droits des personnes incarcérées, considérant toutefois que les dispositions contestées ne portaient en elles mêmes aucune atteinte aux principes constitutionnels.
Le Contrôleur Général des lieux de privation de libertés, Jean-Marie Delarue, s’est ému de la décision du Conseil constitutionnel, qu’il a qualifiée de «cruellement décevante» et a appelé le législateur à instaurer de nouvelles dispositions, comportant, sauf exception nécessaires au maintien de la finalité et de la sécurité des établissements pénitentiaires, l'application des règles communes du travail.
Pour le Contrôleur Général « le moment est venu de légiférer ».
Voir la décision du Conseil constitutionnel du 14 juin 2013.
Cet article n'engage que son auteur.
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